Donc le 14 à midi, j'ai comme un coup de mou, un gros coup de mou quand même. Le téléphone sonnait et comme c'était à peu près le seul truc qui me reliait à l'extérieur, j'ai répondu. Ma copine voulait savoir si elle pouvait passer, nous avions une commission périscolaire à préparer. Je me suis dis que si je n'étais pas restée dans ce foutu bloc après deux arrêts cardiaques parce que je venais de faire une monstrueuse hémorragie, ce n'était pas une cicatrice de 18 cm de long qui allait m'empêcher de reprendre du poil de la bête.
Je me suis remise dans la vie et comme la fille de mon amie n'avait que 18 mois, elle a recruté d'autres bras pour pousser mon fauteuil : le maire, les autres adjoints venaient me chercher pour aller aux réunions, ou les faisaient à la maison ; son mari faisait quelques courses, et "les yeux bleus" me ramenait enfants, ou packs d'eau.
Ce projet de modification de tournée scolaire, je n'allais pas l'abandonner. Alors je bossais, regardais, apprennais, les horaires, les contraintes, les réglementations, et il était là. Et moi ne voyant rien que sa disponibilité.
Je me sentais et j'étais fragile, prête à pleurer pour rien, à m'émouvoir de tout, de moins en moins en phase avec celui qui était sur le papier, mon mari. Il avait avancé sans moi, acceptant, sans me demander mon avis, de partir 18 mois en Espagne à partir de novembre 2001, expatrié mais sans sa famille ; il avait aussi accepté de partir au Japon en juillet, me laissant de nouveau seule avec les enfants - nos parents respectifs n'étaient ni en vacances ni à la retraite ! - sans savoir si oui ou non je pourrais conduire ou même si.je remarcherai.
Donc moi d'un côté, et celui qui allait devenir l'ex, de l'autre.
Au milieu, l'avenir aux yeux bleus. Présent, attentif, courtois, encourageant. Sans un mot ni un regard équivoque, boulot, boulot, boulot et un peu d'aide pour les enfants.
Un après-midi, je finis par lui demander s'ils peuvent, avec son épouse, se joindre à nous pour un apéro. Il me dit que sa compagne était décédée quelques années auparavant, qu'il était seul depuis.
Nous étions début juin, mon rythme quotidien était plus acceptable. Il me demanda un peu d'aide pour un événement sportif dont il était l'organisateur. Nous sortions du cadre strict de la mairie. De fil, en aiguille, de chose à l'autre, de petits pas, en ballade, je me rends compte que là derrière les yeux bleus, il y a un homme, des valeurs, des choix de vie que j'aurais pu faire moi. Et surtout qu'il y a cette stabilité, cette sérénité qui me manque tant.
Je tombe amoureuse, sans le savoir, sans le voir venir, pire que ça, je ne suis pas amoureuse, non je suis sereine. Et lui est amoureux depuis janvier ! Mais ne dit rien, surtout pas, je suis mariée, fragile, intouchable.
Et un instant trop fatiguée, trop tiraillée, je pleure sur mon sort. Alors il a posé sa main sur mon bras, et dix ans après j'en ai encore le frisson.
Le 17 juin 2001 je devais "amante", le 31 septembre 2001, je prenais mes valises. Entre les deux j'ai répété à l'envie : je ne quitterai ni mon mari ni mes enfants. Mon amoureux ne disait rien, il attendait, se contentait, espérait parfois, me soutenait toujours.
Et puis j'ai craqué, le 31 septembre, je n'en pouvais juste plus de cette "double" vie, Une vie où il n'y avait que la souffrance et la peur, et l'autre ces instants volés où j'étais en sécurité, tranquille, sereine et bien. J'ai annoncé à mon "mari" que je partais, lui laissant, les enfants - dont je viendrais m'occuper tous les jours jusqu'à ce que lui trouve une solution - la maison et le reste. Il m'a demandé alors "mais qu'est-ce que je vais dire à mon patron ?" Je n'avais plus de regret.
Mon amoureux m'écoutant en pleurs, a dit "viens, nous trouverons une solution". Depuis nous avons combattu ensemble, marché ensemble, réussi ensemble, parfois trébuché, mais toujours ensemble.
J'ai la certitude que c'est lui, juste lui et personne d'autre, et en 10 ans, je ne crois pas avoir jamais douté. Su ce qui pourrait nous séparer, être consciente que tout n'était pas parfait, mais n'avoir jamais eu peur ou de regret.
Si c'était à refaire, je referais pareil, tout, sans rien changer.
Comme elle est belle cette histoire! et quel amour magnifique!
RépondreSupprimerOui, belle histoire...
RépondreSupprimerBeau rebondissement, ça me rappelle un peu une histoire connue, cette certitude, cette sérénité qui fait qu'on SAIT que c'est lui, et pour lequel on est prêt à envoyer bouler les faux-semblants qui font ce quotidien d'alors, pour enfin construire quelque chose de sincère et de VRAI. Belle vie à vous.
RépondreSupprimerHum... en même tempsn faut le rencontrer...
RépondreSupprimer:(
Bises,
Manderley
Mandy j'ai eu de la chance, peut-être, j'ai peut-être aussi su prendre le recul nécessaire à ce qui me servait de vie. Je suis partie chez lui, mais je serais partie tout court quoiqu'il en soit. Je ne suis pas partie pour lui, mais à cause de mon ex. Je suis partie grâce à lui, mais pas pour lui.
RépondreSupprimerIl était là, il est encore là, mais il aurait aussi ne plus l'être. Je serais partie quand même.
Aujourd'hui, je sais, je sais qu'on a une voix et que cette voix est le meilleur guide que l'on a. A condition d'être honnête avec elle. A condition de savoir dire "je t'entends, je n'ai juste pas envie d'écouter ce que tu as à me dire" ou au contraire "ok j'ai entendu, j'ai écouté, j'ai compris, je fais ce qui est le meilleur pour moi".
J'ai passé 15 ans à faire taire ma voix, au bout d'un moment, il a bien fallu que je l'écoute, ça devenait assourdissant son silence.
Pour l'amour, là aussi j'ai écouté, et je savais que ma voix et moi on avait raison. Aujourd'hui elle est toujours là, juste à chantonner dans un coin... :-)
Ecoute ce que la tienne a à te dire, ce n'est peut-être pas juste un déséquilibre significatif... Ca peut juste être un moment, ou plus, ou pas, mais écoute ce qu'elle a à te dire. Et écoute là vraiment.
En même temps, je suis certaine que tu sais déjà, n'est-ce-pas ?
Biz Mandy.
Ouach bis.
RépondreSupprimer(Oui, je suis laconique mais c'est parce que je suis touchée !)
Mamanlit, t'inquiète, même au bout de dix ans, j'ai aussi du mal à revenir dessus. Disons qu'en si peu de temps (moins de 6 mois) j'ai ouvert les yeux, perdu deux vies (parce que ce bébé je l'avais aussi tellement voulu) et construit une autre. Ca me ferait faire ouach chez n'importe qui d'autre hein !
RépondreSupprimer