Parce qu'il ne faut pas toujours remettre à plus tard...

Hier soir, j'étais dans le bureau vers 21 h, rien à la télé, et j'entendais une sonnerie stridente retentir de manière régulière. J'avertis l'homme qui était quasi endormi, mais dans le salon et là je l'entends qui dit "merde y'a le feu chez les voisins !"

Le feu, le vrai, pas juste un truc de barbecue. Des flammes de 10 mètres de haut, la maison totalement en proie à l'incendie. Et la sirène des pompiers stridente et régulière...

Et j'ai culpabilisé de n'avoir rien vu, rien entendu plutôt. Comment une maison à 25 mètres de chez moi peut-elle partir en flammes sans que je ne vois et n'entende rien ?!

Amoureux est parti séance tenante, le temps d'enfiler un blouson et une paire de bottes. Les pompiers étaient là à 5 camions, à sécuriser la zone (des habitations dans un rayon de 30 mètres, mais surtout des arbres, beaucoup d'arbres) et à maîtriser le feu.

Les voisins sinistrés, déjà pris en charge par d'autres voisins, avec qui ils sont amis. Une maman et ses 3 petits, 3 tous petits puisqu'ils ont 5, 3 et 2 ans ; en larmes, terrifiés, à entendre brûler leur maison. Leur papa en déplacement, appelé et rentrant au plus vite.

L'histoire : rien que de très banal, un radiateur d'appoint mis en marche dans la salle de bains avant de doucher les enfants, puis laissé en l'état après, parce que prise par les préparatifs du dîner et du coucher. Le radiateur d'appoint, acheté une bouchée de pain dans une braderie grande surface de bricolage, branché sur un réseau électrique un peu bricolé, et le voilà qui s'enflamme, déclenchant heureusement l'alarme du détecteur de fumées. Un réflexe mal adapté, de l'eau projetée qui aggrave les choses, une porte refermée vite fait. Et un départ précipité avec les petits.

Chez le voisin, sans extincteur lui non plus, attendant les pompiers, à qui il faut pas loin de 10 mn pour venir, la fumée est dense dans la petite pièce, les pompiers ouvrent, appel d'air, la pièce s'embrasse. Rien que de très normal, contrôlable, si la pompe avait été reliée au réseau anti-incendie !!! Sauf qu'elle ne l'était pas, pas le bon raccord...

Trois quart d'heure pour que le bon camion vienne, la maison était déjà détruite. L'eau disponible dans les 4 autres camions, répartie pour sécuriser la zone et les habitations alentours prêtes à être évacuées elles aussi.

Nous avions l'extincteur, mais nous étions trop loin, trop "isolés". Elle est là l'explication de notre ignorance, notre maison trop bien isolée phoniquement et thermiquement, la nuit et les arbres nous ont empêché de voir et d'entendre ce qui se passait à 25 mètres derrière chez nous. Rien vu, rien entendu si ce n'est les pompiers déjà là... Peut-être aurions nous pu agir, ma conscience me travaille. Ma raison me dit que ça n'était pas possible. Il faut intervenir dans la minute pour que le feu puisse être maitrisé, la minute... Il nous faut déjà 30 secondes pour aller à pied jusqu'à la clôture, encore au moins autant pour  la franchir, puisqu'il n'y a pas d'ouverture entre nos deux terrains, sans compter le temps d'être prévenus et de prendre l'extincteur... J'ai du mal à ne pas me dire que nous avons été piètrement attentifs à notre environnement. Je m'en veux même si c'est totalement stupide. Nous n'aurions rien pu faire de plus.


Aujourd'hui, ils sont là, juste en face, à quelques mètres, terrorisés, et nous ici, à peine plus loin, abasourdis.Ils ont pu sauver quelques meubles (les lits des enfants, le canapé, quelques photos, quelques bijoux, les doudous des petits. Pas de vêtements par contre, pas eu le temps... Le maire, voisin lui aussi et ami, a décidé de les reloger dans le village. Les voisins sont mobilisés, qui d'une literie, d'une couverture, d'un écran télé, d'un frigo, d'une cuisinière, de meubles, de vêtements, de jouets, de réconfort, d'amitié, de repas déjà programmés pour le partage. Les enfants, ont passés la fin de nuit à l'hôpital, physiquement, ils n'ont pas de séquelles. Leurs parents sont anéantis, mais courageux, debout.

C'est le deuxième incendie que nous "subissons" dans notre quartier, le deuxième en moins d'un an, pour les mêmes raisons ou presque, pas d'extincteurs, un bricolage amateur...

Aucune de ces deux familles ne reviendra habiter là, même une fois les maisons reconstruites (si tant est qu'elles puissent être reconstruites). Ils sont trop marqués, trop effrayés, ils ont trop perdus.

Môssieurl'ainé a eu peur à savoir les flammes si près de nous. Pierrotcadet et Peaud'Ane n'ont rien vu, nous n'avons averti le cadet que ce matin et nous ferons tout notre possible pour que Peaud'Ane soit mise au courant le plus tard possible. Il lui a fallu 8 mois pour ne plus avoir peur de passer devant l'autre maison, (elle avait assisté au premier incendie puisque rentrant avec son père à ce moment là). Même si la maison est juste derrière nous, le pignon est intact, les arbres denses de ce côté et l'hiver qui empêche de mettre le nez dehors, tout ceci devraient la préserver encore un peu.

Nous absorbons la peur, mais ne remettez pas à plus tard l'achat d'un extincteur et de détecteurs de fumées, ce n'est rien et ça peut aider beaucoup.